Vous jouez au bootball, nous jouons au football !
21/11/2019

« Eh bien voyez-vous, en Inde nous jouons au football, alors que vous jouez au bootball ! », Cette phrase prononcée à la presse par le capitaine de l'équipe de foot indienne a marqué les Jeux Olympiques de 1948 de Londres. Elle a fait suite au match qui a opposé l'Inde à la France qui s'est déroulé le 31 juillet 1948, et qu'une majorité des joueurs indiens a joué en chaussettes. Une rencontre qui aurait pu changer la destinée du football du sous-continent si 2 pénaltys n'avaient pas été manqués ce jour-là.

équipe de football de l'inde 1948 aux jeux olympiques

L'Inde envoie son équipe de football participer pour la première fois aux Jeux Olympiques lors de cette quatorzième olympiade, organisée sur le sol de la couronne britannique dont le pays est indépendant depuis moins d'une année. En vue d'affronter les Français en huitièmes de finale pour leur premier match de la phase finale, si l'AIFF (la Fédération indienne de football) a prévu de fournir des chaussures à crampons en cas de terrain humide, les joueurs du sous-continent préfèrent pratiquer pieds nus par coutume en raison du climat en Inde. Et les conditions sont parfaitement sèches ce jour-là quand ils entrent sur la pelouse du Cricklefield Stadium, le stade de l'Ilford FC situé à l'est de la capitale. C'est alors avec stupéfaction que les 17000 spectateurs découvrent que 8 des 11 joueurs en maillots et shorts blancs emmenés par Talimeren Ao, le futur médecin chirurgien, ne portent pas de chaussures mais des chaussettes épaisses et des bandages de protection. Le match, accroché, est remporté de justesse par les Bleus avec un but à la dernière minute de jeu inscrit par René Persillon, le milieu de terrain des Girondins de Bordeaux, après une ouverture du score de René Courbin à la trentième, une égalisation de Sarangapani Raman, « pieds nus », et surtout 2 pénaltys manqués durant la partie !

« Well, you see, we play football in India, whereas you play bootball! »

Le lendemain, les journaux londoniens font leur Une de l'évènement et de la « punchline » d'Ao en conférence de presse d'après match, en louant le courage des joueurs indiens passés tout près de l'exploit et qui ont à tel point séduit l'opinion publique – qui aurait aussi bien aimé voir le meilleur ennemi héréditaire français tomber contre l'ancienne colonie – que le roi George VI en personne les reçoit au palais de Buckingham. Ils sont ensuite conviés à une tournée européenne où aux Pays-Bas ils échouent de rien contre le Sparta Rotterdam mais réussisent à battre l'Ajax Amsterdam, qui n'est pas à l'époque le meilleur club européen mais où évolue un certain Rinus Michels, père du « football total » et futur entraîneur de l'Ajax et du FC Barcelone. De retour au pays, les héros d'Ilford sont accueillis chaleuresement mais le souvenir des 2 pénaltys ratés et l'occasion manquée d'un quart de finale contre l'ancien colonisateur a longtemps été une grande frustration pour les fans du football indien.

talimeren aoLe légendaire capitaine d'origine Nagas Talimeren Ao deviendra plus tard chirurgien et l'une des plus célèbres figures du football indien.