Jack Johnson, black and fire
28/11/2019

Avant son homonyme musicien-surfeur hawaïen qui a connu un succès international au début des années 2000, il y a eu Jack Johnson le boxeur. Inspirateur de Mohamed Ali entre autres, le Géant de Gavelston est une véritable légende du noble art et de l'histoire afro-américaine, un symbole en tant que premier Noir à être devenu, en 1908, champion du monde de la catégorie reine, à une époque où il existait une compétition à part en poids lourds pour les boxeurs « de couleur ». Donald Trump l'a gracié à titre posthume en 2018 pour une condamnation dont il avait été l'objet en 1913. Son crime ? S'être marié à une femme blanche.

Briseur de tabou

Tenant du titre du « Colored Heavyweight Championship » depuis 1903 et son succès sur Ed Martin, Jack Johnson essuie un premier refus de la part de James J. Jeffries, le champion du monde depuis 1899, qui refuse de relever son défi pour les motifs discriminatoires en vigueur à l'époque. C'est quelques mois plus tard, un canadien, Tommy Burns, qui accepte pour la première fois de remettre sa couronne en jeu dans la plus prestigieuse des catégories face à boxeur noir. Interdit aux États-Unis, le combat est programmé en Australie, au Rushcutter's Bay Stadium de Sydney, le 26 décembre 1908. Burns, de son vrai nom Noah Brusso, est un combattant de petite taille comparé aux 1m92 de Johnson, un des plus petits et légers champions poids lourds de l'histoire de la boxe moderne avec ses 1m70 et pas tout à fait 80 kg. C'est par un KO technique que le combat être arrêté à la 14ème reprise. Jack Johnson entre dans l'histoire comme le tout premier Noir à obtenir le titre le plus convoité au monde en matière de boxe.

jack johnson tommy burn 1908Le combat du 26 décembre 1908 devant 20000 spectateurs à Sydney.

Mais cette victoire n'est pas au goût de tout le monde aux États-Unis, pour les tenants d'un modèle ségrégationniste comme pour certains membres de sa communauté. D'autant plus que Johnson mène une vie grand train avec une arrogance de parfait nouveau riche qui attise les tensions. L'opinion cherche un champion pour reconquérir le Graal et pousse James J. Jeffries, qui a pris sa retraite invaincu, à décocher les gants en 1910 pour un duel qualifié de « combat du siècle ». À Reno, dans le désert du Nevada, sur le ring au centre d'une salle hostile et sous des slogans haineux, Johnson humilie Jeffries - qui abandonne après 15 rounds - et empoche 60000 dollars.

Black and fire

Avec son tempérament de feu, le géant n'allait pas se priver de pouvoir enfin vivre pleinement le rêve américain, comme tout homme libre. Il faut dire que le « Géant de Gavelston » était né en 1878 au Texas dans une famille d'anciens esclaves. Devenu une superstar, il multiplie les extravagances et les provocations en exhibant argent, vêtements sur mesure et voitures de luxe. Et lui qui avait auparavent été marié à une femme noire va commettre un délit passible d'emprisonnement à l'époque, celui d'épouser Lucille Cameron, une Blanche. Condamné, il s'exile à Montréal dans un premier temps en se faisant passer pour un joueur d'une équipe de baseball, puis en France. Pendant 7 ans, le couple vit en Europe, en Amérique du Sud et au Mexique avant de rentrer aux USA en 1920, où l'ancien boxeur purge une peine de presque 1 an. Il mourra à l'âge de 68 ans dans un accident de voiture en Caroline du Nord, furieux après qu'un restaurant d'autoroute ait refuser de le servir.

jack johnson boxeur star voitureVivant sa célébrité « à l'américaine » en collectionnant les voitures de luxe, Johnson a également ouvert un restaurant-discothèque en 1912, clinquant et à son image : le « Black and Fire ».

Jack Johnson is here

Lors de son combat contre Jerry Quarry en 1970, Mohammed Ali harcèle son adversaire avec des « Jack Johnson is here, is here ! » en guise de provocation à chacune de ses touches, pour dire combien le champion du monde 1908-1915 à compté pour le « Greatest » dans la construction de sa propre légende. Suite à des demandes effectuées par la famille du boxeur sous Bush et Obama, c'est après avoir été convaincu par Sylvester Stallone que le 45ème président des États-Unis l'a définitivement réhabilité en lui accordant la grâce présidentielle en avril 2018 avec une cérémonie à la Maison-Blanche en présence de Deontay Wilder, Lennox Lewis et de l'interprète de Rocky Balboa.